Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

tout occupé à poser les haubans et les manœuvres. N'ayant rien trouvé qui fût assez fin pour figurer les cordages de son vaisseau, il s'en prenait à son mousse, un gamin de quinze ans joli comme une fille : un métis d'Espagnol et d'Indienne que nous avions embarqué à Santiago et qui avait une chevelure si noire et si soyeuse que c'en était merveille. Quand Joris Weert avait besoin d'un filin, il appelait à mi-voix, en détournant la tête à cause de son souffle : — Miguel !... Viens-t-en, petit ! L'enfant lui présentait le front : les doigts du charpentier prenaient un cheveu et tiraient. L'autre criait : Aïe ! Mais c'était pour s'amuser car il était très fier de donner sa part au chef-d'œuvre. Le petit vaisseau devenait en quelque sorte à son pavillon. Du reste, on l'appellerait le Miguel, c'était promis. Je pense que le Flamand lui donnait d'autant plus de son cœur et de sa tendresse. C'était un vrai navire, avec toute la broussaille ordonnée des manœuvres. Il avait l'air d'appareiller pour un grand voyage, avant que l'on dépliât les voiles pour la première fois. Cependant la mer ne bougeait pas plus qu'une nappe sur une table, avec le Forward au milieu, pareil à un drageoir, toute sa toile pendante, comme pour un deuil. Le pilote


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