Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

procher, que je ne peux dire à cause de nos dames : seulement c'est l'affaire du Seigneur au dernier tribunal. Dès que le calme nous avait pris, ce Joris Weert avait installé sous le gaillard, à l'abri du soleil, une table, un escabeau et des outils minuscules, et avait entrepris de construire un vaisseau de premier rang, avec son gréement complet et ses quatre-vingts canons, le tout pas plus long, depuis l'étrave jusqu'à l'étambot, que le doigt médius de la main. Il commença par établir la quille et les varangues, avec la carlingue par-dessus. Cela ressemblait, dans ses gros doigts, au squelette d'un petit oiseau, sans les pattes ni les ailes. Puis il installa les ponts avec tout ce qu'ils renferment. On pouvait voir entre les côtes les chambres, le départ des mâts, l'archipompe, les cabestans, la soute au vin et ses barils, la soute aux poudres et toutes les autres, les ancres et les cordages, tout cela si menu qu'on ne pouvait découvrir le détail qu'en regardant à travers une bouteille à eau. Nous étions encore sept ou huit qui s'occupaient à autre chose qu'à attendre le vent, et de temps à autre nous venions suivre le travail du constructeur. Il nous priait de rester immobiles, de ne pas éternuer surtout. Ses mains façonnaient des choses qu'on ne voyait pas et


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