Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

voiles hautes s'écartaient un peu, toutes ensemble, et revenaient ensuite contre les mâts, en sorte que le navire était comme une fille qui se dandine sur ses hanches et bat ses jambes avec ses jupes. Quelques hommes étaient dans la poulaine à tremper des lignes dans l'eau. Les autres jouaient aux cartes, se racontaient leurs histoires, comptaient leurs sous, chantaient ou dansaient. Le capitaine s'était enfermé dans sa chambre avec défense à quiconque de l'importuner tant que la brise ne reviendrait pas. C'était un homme taciturne, âpre au gain et fort bourru. Pour la figure, rien qui le signalât, sinon des mains énormes de forgeron. Au demeurant, le meilleur marin du monde. Deux fois par jour, à l'aube et dans l'après-dînée, il sortait brusquement de sa chambre, rejoignait le pilote sur la dunette, et tous les deux sifflaient pendant un bon quart d'heure pour appeler le vent. Mais le vent n'en venait ni plus ni moins, comme vous pensez. Cela dura près de huit jours, qu'on eut épuisé tous les jeux, toutes les chansons, toutes les histoires de tous les genres, et les distractions de toutes les manières. Alors on se mit à regarder ses mains et ses pieds et à se demander ce qu'on allait en faire. Les plus heureux furent ceux-là qui n'avaient pas encore perdu


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