Les corsaires du Roi

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BO UTEILLE-DE-BOIS

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un toron de salpêtre long comme il faut, que j'ai mis par un bout dans la soute aux poudres et tiré par l'autre en haut des échelles, puis sur le tillac jusqu'à l'avant, pour avoir tout le temps de décamper, que ça faisait bien un gros quart d'heure pour brûler d'un bout à l'autre. Puis je bourre ma pipe, je bats mon fusil et quand le tabac est bien pris, j'allume le toron, et ça commence à se promener en faisant : Cracracracracra-cracra, et moi, pour montrer aux Espagnols que je n'avais pas plus peur qu'eux, je me promène aussi, les mains dans les chausses, en regardant la mâture et tout ce qui m'entoure. Et à force de regarder, je commence à me dire : « Qu'est-ce que t'as, Nicolas, nippe-de-bas-holahô-hola ? » Puis je continue de voir et je sens que je ne suis plus le même mais comme quand j'étais de vingt ans et que j'aimais la Thérèse du Grand-Salin. Alors, je viens aux barres de cabestan bien rangées contre le capot et je les touche l'une après l'autre, que ça me donne aux mains un petit plaisir comme de caresser de beaux cheveux. Puis je pense à quelque chose et je vais aux haubans les plus près où je trouve ce que je pensais, ce qui me fait rire tout haut tout seul. Je remue chaque cabillot dans son râtelier et je passe mes doigts sur les manœuvres comme un qui joue de la guitare, et je dis que vraiment ça avait l'air de faire de la musique


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