Les corsaires du Roi

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UN GASCON A L'ABORDAGE

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là et que le Gascon ne le voulait point abandonner. De telle sorte qu'après trois jours, la vieille perdit tout à fait la raison, ou bien qu'elle n'était pas fâchée, à soixante et des ans, d'une telle constance et de si beaux discours dont elle n'avait plus la mémoire. Si bien que, le quatrième jour, un notaire se trouva là comme par hasard, qui rédigea une donation entre vifs par laquelle les deux époux engageaient mutuellement tous leurs biens présents et à venir : la vieille quatre cents mille écus, les plantations de Port-Jacquin, des Trois-Rivières, du Camp-Louise, cinq cents nègres et négresses, trois mille têtes de bétail ; le Gascon, son sabre de flibustier. En foi de quoi, le ban fut publié le dimanche suivant, et le mariage célébré le lundi, avec grand bruit dans l'île et même par delà. Et comme les voisines disaient à la vieille leur étonnement de ce mariage si rapide : — Oui non ! oui non ! mes bonnes amies, leur disait-elle, en secouant la tête, il fallait bien le garder, ce pauvre diable ! son cœur ne voulait plus s'en aller.


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