Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

c'est lui qui s'est arrêté ici et qui m'a bien l'air de n'en plus vouloir sortir. — Mon Dieu, mon bon monsieur ! gémissait la vieille dont la tête commençait à tourner. — Oui, madame, mon cœur est tout de bon chez vous, et je sens bien que je ne puis rien faire pour me séparer de lui. — Ciel ! monsieur, que voulez-vous dire ? — Je veux dire, madame, s'écria l'autre en tombant sur les deux genoux, je veux dire que je vous aime, que mon cœur vous est si bien attaché qu'il faut que vous le gardiez à jamais et que vous consentiez à devenir ma femme ! En entendant parler de mariage, Mme Desnots devina bien de quoi il retournait ; mais le moyen, à cet âge, de chasser un homme qui vous parle de l'amour en vous tenant la main, qui verse de vraies larmes, et qui est, au surplus, bien décidé à ne pas s'en aller. Aussi, de tout l'après-dînée, et jusqu'au soir, et pendant le souper, et sous les étoiles du jardin, et sous la lune qui déclinait lentement, ne cessa-t-il de l'entretenir de sa passion, avec des sanglots mêlés de quatrains et de sonnets tout entiers, refusant toujours, en vers et en prose, de quitter son cœur qui s'était établi là pour toute la vie. Et comme on ne pouvait l'en arracher, il fallut bien donner à l'un et à l'autre une chambre pour la nuit, et à dîner le lendemain, que le cœur s'obstinait à rester


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