Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

Sur ce bateau, vous pensez la belle vie de petits saints que mènent les matelots qui sont morts. Toujours à chanter des chansons de cabestan et des boulina-ha-ha, qu'ils s'en arracheraient le gosier si de belles filles en costume de leurs provinces ne leur versaient du tafia pour leur remonter le ton. Car c'est plein de fillettes pas bégueules qui ne vous en content à marier que si c'est votre goût, mais pour le reste sont généreuses au déduit, sauf respect à Mesdames. Il y en a des brunes des îles, avec des fleurs dans leurs cheveux, et de bien blanches de chez nous, avec des croix d'or et des coiffes de dentelles, parées comme des Saintes Vierges. C'est qu'elles portent toutes les belles choses que leurs amoureux ont trouvées dans les coffres des prises, et qu'ils ont distribuées à droite et à gauche. Mais surtout le fin du fin, c'est la soupe ou ce qui en tient lieu. Jamais de gourganes ni de fayots, pas de rations et mange-à-ta-faim. C'est tous les jours du poulet avec de la salade, du gigot, du boudin noir, et du cochon frais, comme aujourd'hui.Pour l'arrosage, une chopine de marc à ton réveil, du vin de Bourgogne au dîner, et le soir du vrai Madère de l'île ; sans compter tout ce qu'apportent les demoiselles dans de petits barils bien vernis. Après quoi, l'on croche son hamac sur un


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