Les corsaires du Roi

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LES CORSAIRES DU ROI

une aiguille, avec une petite langue à deux filets, si fine qu'on ne peut la voir qu'en regardant bien fort. Ils trouvèrent aussitôt la cage de leurs petits, et passant le bec à travers les mailles, leur apportèrent leur nourriture, qui est rosée de fleurs avec le polen et poudre d'insectes. Ils étaient si occupés à leur besogne qu'ils ne voyaient même pas la grosse tête rougeaude du Capitaine les considérer de tout près. Il admirait ces vies minuscules si bien organisées par le bon Dieu, ces petites plumes d'un vert doré tirant sur le violet changeant, avec un duvet comme poussière, tellement nuancées qu'il ne pouvait dire leur couleur. Il s'étonnait qu'il y eut tant d'amour dans des existences aussi fragiles. Il comprenait des tas de choses auxquelles il n'avait jamais pensé, sur la douceur du monde, la perfection de tout ce qui existe et la valeur de cette vie qu'il avait si peu ménagée. Il reconnaissait la majesté du Seigneur dans ses plus petites créatures. Et une tendresse vint à le remplir, qu'il n'avait jamais connue, tant qu'il eut deux larmes, les premières, qui lui coulèrent sur les joues. Le lendemain il ouvrit la cage au milieu de sa chambre pour voir ce qui se passerait, et peut-être aussi par pitié. Il vit la mère d'abord, le père ensuite, entrer dans la boîte pour nour-


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