LIVRE SIXIÈME
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genre de celles qui ont immortalisé, à Nantes, le nom de Carrier. Voici comment Christophe s'exprimait dans son
manifeste
de 1814« A Leclerc succéda Rochambeau : ce monstrueux agent de Bonaparte, digne complice des colons , se souilla de toute espèce de crimes ; il n'épargna ni le sexe, ni l'enfance, ni la vieillesse, et surpassa en cruauté les tyrans les plus barbares que nous offrent l'histoire ancienne et l'histoire moderne. Des gibets étaient élevés en tous lieux : on noyait, on brûlait, on infligeait les plus horribles châtiments, et tout par ses ordres. Il inventa une nouvelle machine de destruction, dans laquelle des victimes des
deux sexes, entassées l'une sur l'autre, étaient
suffoquées par la vapeur du soufre. « Dans sa rage insensée , il fit venir de Cuba , à grands frais, une multitude de dogues ; ils furent amenés par un Français , nommé Noailles, d'une illustre famille, qui fut le premier , après la révolution , à trahir ses bienfaiteurs; et des hommes furent abandonnés comme une proie à des chiens désireux de partager l'effrayante immortalité de leurs maîtres. Quel était notre crime? qu'avions-nous fait pour mériter un tel châtiment? Notre origine africaine devait-elle être pour nous une opprobre sans fin ? La couleur de notre peau est-elle le sceau d'une dégradation éternelle ? « Suivant des recherches exactes , faites par l'ordre du gouvernement , pendant l'espace de vingt-un mois que les Français demeurèrent dans l'île , plus de 16,000 de nos compatriotes périrent dans les tortures dont nous avons parlé. Les barbaries commises
par ces
modernes conquérants sur les
enfants d'Hayti , surpassèrent de
beaucoup les crimes des
Pizarre, des Cortez , des Bodavilla , ces premiers fléaux du
Nouveau-Monde.