Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

leurs hôtes. En passant devant la cathédrale, la joyeuse envolée des cloches leur rappela les vêpres qui avaient lieu. — Nous avons trop donné au plaisir. Il ne faut pas oublier le Bon Dieu, Rodolphe, dit Anne-Marie. — Entrons donc à l'église. Nous assisterons au Salut, lui proposa son mari. Ginette les remercia d'un sourire. Les fêtes ne lui offraient aucun attrait et se sentant un peu de lassitude, elle était heureuse de pouvoir recourir à la prière. Le Saint-Sacrement était exposé dans le chœur brillant de lumière. Les fidèles, malgré les folles joies du moment, se pressaient nombreux autour de l'autel. La large voûte de la cathédrale s'emplissait d'accords solennels étouffant la musique profane du dehors. Les vêpres terminant les Quarante-Heures prenaient fin. Ginette, prosternée, répandait aux pieds du Divin Maître, avec les trésors de ferveur dont son âme était remplie, le secret chagrin qu'elle éprouvait de la tristesse croissante de Roland. Liliane remarqua quelques larmes aux yeux de son amie et, de retour à la maison, se décida à éclaircir le mystère qu'elle pressentait. C'était dans la chambre de Ginette. Les jeunes filles avaient achevé d'ôter leurs gracieuses parures. Les jolies robes de tulle rose avaient fait place aux « gaules (1) » blanches et, assises devant la fenêtre, Ginette et Liliane causaient : — Ginette, tu as des secrets pour ton amie. — Quelles sont tes raisons de le supposer, Liliane ? — Tu gardes le silence et je t'ai vue pleurer aux vêpres. — Pas sur moi, ma pauvre Liliane.

1.

Gaule, robe d'intérieur ample et flottante.


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