Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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Liliane n'avait pas été longtemps sans s'apercevoir du malaise régnant entre les jeunes gens et un jour que Roland lui parut plus triste que de coutume, elle se promit de questionner Ginette à la première occasion. C'était le mardi-gras. Les Daubray avaient été invités à venir assister au passage de la cavalcade à la batterie Desnotz, et sur le balcon des Meurisson, Ginette et Liliane se trouvaient, délicieuses, toutes deux, dans leurs robes de tulle rose. Mais tandis que Liliane était toute au désir de voir apparaître les cavaliers, Ginette ne prêtait qu'une attention distraite au mouvement emplissant la rue. Soudain des cris de joie partis de la foule attirèrent les curieux aux fenêtres. Les assistants se pressèrent attentifs : la cavalcade apparaissait. Ce défilé de brillants cavaliers suivis de chars enguirlandés était à Saint-Pierre le triomphe du carnaval. Les déguisements étaient somptueux. On remarquait un superbe Henri IV, un François Ier à rendre jaloux le roi chevalier, un Aiglon, frappant de ressemblance. Des clowns enfarinés montés sur des ânons, faisaient ressortir l'éclat de ces costumes de haute lignée.. Parmi eux, un Triboulet obtenait un succès fou; puis venaient un Don Quichotte des plus risibles, des pages et des piccadors. Dans les chars, figuraient d'amusantes ou magnifiques allégories. Les confettis multicolores tapissaient les pieds des chevaux et le peuple applaudissait frénétiquement. Chez les Meurisson, Liliane s'intéressait vivement au spectacle se déroulant au-dessous d'elle. Avec regret, elle vit disparaître le dernier déguisement et entendit alors Anne-Marie faire remarquer en soupirant, que Roland ne s'était point trouvé du nombre des cavaliers. Il était plus de cinq heures. Après avoir accepté un verre de sorbet au coco, les Daubray prirent congé de


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