Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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âmes pour les faire souffrir ainsi, en brisant, d'un seul coup, leurs espoirs les plus légtimes. — Roland, la souffrance est souvent nécessaire. Toujours elle purifie et nous élève. Les larmes versées blanchissent les âmes, il ne faut pas blasphémer, mon enfant. Et le Père serrait affectueusement contre le sien le bras du pauvre révolté. Ils étaient arrivés sans s'en apercevoir au sommet de la rue des Bons-Enfants. Tante Marna, inquiète au sujet de son préféré, le guettait depuis un moment par la fenêtre. — J'emmène votre neveu, Mlle Emma, dites-le à Monsieur Fougeras, lui cria le Père Démaërel et, sans attendre de réponse, il entraînait Roland vers le Collège. — Dans ma chambre, nous causerons mieux, dit-il au jeune homme qui ne répondait rien. Là tu me raconteras tout. Nous serons bien tranquilles, les enfants sont encore en vacances. Quand Roland, une heure plus tard, quitta la cellule du bon prêtre, ses yeux avaient versé bien des larmes, mais si son cœur souffrait encore, il n'osait du moins plus murmurer. La ville, depuis quelques jours, parée de ses plus beaux atours, présentait un air de fête des plus joyeux. Les différents cercles rivalisaient d'élégance et de distinction. Ce n'étaient que toilettes claires, bijoux et parfums. Partout des fleurs et des lumières, de la musique et des grelots. Le dimanche soir, les rues étaient abandonnées aux masques. C'était une marée montante de costumes extravagants, de déguisements étranges et bigarrés. Les dominos coudoyaient les Pierrots. Polichinelle dévalisait la marchande de pis-


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