Coeurs martiniquais

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CŒURS

MARTINIQUAIS

— A toi d'abord, tonton Rodolphe ? — Ginette, tu sais que près de toi je remplace mon pauvre Paul. Permets-moi de te parler comme il eut fait. Tu n'es plus une enfant, ma grande fille, et il faut penser à ton avenir. D'autres s'en sont souvenus avant nous. Quelqu'un même a mis en toi, avec tout l'espoir de sa jeunesse, le bonheur de sa vie future..., Roland te demande en mariage. — Roland! quel malheur! s'écria la jeune fille dont les traits s'étaient subitement altérés. Oh! tonton Rodolphe, pourquoi faut-il que ce soit lui! et toute pâle, elle pressait son front de ses mains devenues tremblantes. — Je croyais, au contraire, que tu conservais à ton ami d'enfance la plus grande affection, lui dit son oncle très ému. Il serait difficile à une jeune fille de rêver mieux que Roland. Quant à moi, je ne te cache pas que tu me ferais le plus grand plaisir en l'acceptant et, je t'en prie, Ginette, ne repousse pas sans réflexion la demande qui t'est faite. Nous serions tous si heureux de te garder ainsi tout près de nous. De grosses larmes s'échappèrent des yeux baissés de la jeune fille : — Si, j'aime Roland? murmura-t-elle. Comment en serait-il autrement ? Nous avons presque grandi ensemble et il m'a toujours témoigné tant de confiance et d'affection. J'ai souvent pensé que Dieu m'avait accordé en lui le frère que je n'avais pas eu, mais jamais, jamais, l'idée ne m'est venue qu'il me demanderait un jour d'être sa femme. Je souffre de la déception que je vais lui occasionner, à lui qui m'a toujours tant fait plaisir ; mais, tonton Rodolphe, je ne veux pas me marier. Ce matin même, je venais à toi, pour t'annoncer mon grand désir de me faire religieuse. — Je savais bien que tu en viendrais là, Ginette, ma


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