Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

qu'ayant promis à Anne-Marie les jours du carnaval, elle ne pouvait venir à Noël, ces deux dates étant trop rapprochées, et le premier de l'an dû à ses parents. Nous nous sommes rendus à ces raisons. — Oui, appuya Anne-Marie, Rodolphe et moi désirons amuser un peu cette année les jeunes filles, et notre cousin de Ligneul nous a promis Liliane pour les fêtes. Un court silence suivit cette réflexion, puis, soudain, du sein de la ville, monta le gai carillon des cloches du « Centre » et du « Mouillage », que dominait de sa voix puissante le bourdon de la cathédrale. Le « Fort » et la « Consolation » ne tardèrent pas à y répondre. Ce fut un concert éclatant de notes triomphales qui, par cette fraîche nuit de décembre, chantaient la venue de l'Enfant-Dieu. Dans les rues, la foule circulait. Les uns, pieux et recueillis et ceux-là étaient les^plus nombreux, se dirigeaient vers les églises et les chapelles ; d'autres, de joyeux étourdis, ne pensant qu'aux plaisirs du révei— lion, se pressaient aux portes des restaurants. De loin en loin, détonnaient dans le concert, quelques voix avinées, dont se garaient les femmes et les enfants. Monsieur Fougeras avait décidé qu'on irait aux offices du Séminaire (1) dont la chapelle était proche, et à l'heure dite, on s'y rendit. Qui n'a gardé souvenance de ces messes en musique du Collège, à la suave et prenante harmonie?... Agenouillée entre Anne-Marie et tante Marna, la tête penchée entre ses mains, Ginette semblait perdue dans l'infini. Elle se sentait transportée, aux accords de la divine mélodie, dans une sphère supérieure où elle s'oubliait avec douceur et, seule, la clochette de l'enfant de chœur i. Appelé indifféremment à Saint-Pierre, Séminaire, Collège, ou Séminaire-Collège. Les jeunes gens y faisaient leurs classes et on y formait aussi parfois quelques prêtres.


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