Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

de sa cathédrale, ses églises et ses magasins, sa « galère » mouvementée, sa Bourse, son phare et ses jetées. Le bateau, faisant le service de Fort-de-France, paraissait à la pointe du Carbet, petit point perdu dans l'infini. Gaston, le premier, rompit le charme : Du sein des flots de l'immense Atlantique, S'élève une île aux contours gracieux,

entonna-t-il de sa jolie voix de baryton. Liliane soudain, l'interrompit : — N'avez-vous pas senti trembler le morne? fit-elle. — Oui, dit Roland qui n'avait pas bougé, mais il faut faire la part de notre imagination. Nous avons tous un peu de vertige ici. — C'est étrange, ajouta Rodolphe. Il m'a semblé, à moi aussi, éprouver la même sensation. Effet nerveux, comme dit Roland. — Le volcan est bien éteint, n'est-ce pas ? demanda Gaston. — Oh ! oui, affirma Rodolphe. Depuis 1851, il n'a pas donné signe de vie. Il fumait alors en ce moment sa dernière cigarette. — Et s'il allait se réveiller ? énonça Liliane. — Eh! bien, Saint-Pierre ressemblerait à Naples, et nous aurions un charme de plus ajouté au paysage, dit Rodolphe, plaisantant. Mais rassure-toi, Liliane, notre vieux Pelé est bien éteint. Regarde son joli lac, sa mousse et sa verdure, penses-tu que cela recèle du feu ? Pendant ce temps, Roland s'était rapproché de Ginette. La jeune fille n'avait point pris part à la conversation. Assise au pied de la Croix qu'elle entourait d'un de ses bras, son grand chapeau sur les genoux, elle avait les yeux fixés au loin. Soudain elle vit le jeune homme silencieux à ses côtés :


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