Coeurs martiniquais

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CŒURS

MARTINIQUAIS

Ginette chérissait tendrement son filleul, et, les jours de sortie, l'enfant eût seul suffi à occuper tout son temps, si elle n'avait eu maintenant, une compagne de son âge. Liliane de Ligneul était une cousine éloignée des Fougeras. Ses parents habitant le centre de l'île, elle passait ses jours de congé chez Anne-Marie, depuis deux ans qu'elle était à la pension Rameau. Elle avait voué à Ginette une profonde affection que celle-ci lui rendait bien. Monsieur Fougeras les appelait les « Inséparables » Sans avoir la beauté régulière de sa compagne, Liliane n'en était pas moins une charmante enfant. De beaux cheveux chatain-clair, aux reflets d'or bruni, couronnaient de leurs oncles son joli visage très rosé, où d'admirables yeux bruns mettaient une note extrêmement originale. Vive et rieuse, elle contrastait en cela avec Ginette trop grave peut-être pour son âge. Rodolphe était heureux de leur intimité. Il espérait que la gaité de Liliane se communiquerait un jour à sa compagne et saisissait, d'accord avec Anne-Marie, toutes les occasions de distraire les deux jeunes filles durant leurs jours de congé. Tante Marna et M. Fougeras leur étaient d'un grand secours à ce sujet. A la rue des Bons-Enfants, le vide causé par le mariage d'Anne-Marie n'avait pas tardé à s'augmenter. Xavier aussi était parti. Sur sa demande, son père l'avait envoyé en France, où il commençait, dans un séminaire, ses études ecclésiastiques. Il ne restait donc plus, à Monsieur Fougeras, que Roland. Le jeune homme, ayant brillamment terminé ses classes depuis deux ans, travaillait avec son père qui comptait lui passer dans peu de temps la complète direction de ses affaires. Roland avail conservé la franche gaîté de son enfance cl, dans son œil gris bleu, les mêmes reflets de spirituelle malice atténuée par sa bonté native et les sérieu-


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