Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

aller ainsi. Enfin cette fois ta fugue ayant servi à quelque chose, je ne veux pas trop te gronder. Roland avait toujours été le grand souci de M. Fougeras. Contrairement à Xavier docile et studieux, le jeune garçon négligeait livres et leçons pour courir les alentours de la ville avec de semblables camarades, jouant aux billes dans les carrefours, ou lançant, suivant la saison, des cerfs-volants au « Morne Abel ». 11 demeurait insensible à tout : aux sévères remontrances de son père, comme aux doux reproches d'Anne-Marie. Les punitions de tante Marna produisaient encore moins d'effet. La bonne tante pleine de faiblesse pour ses neveux privés de mère, Mme Fougeras était morte en donnant le jour à Xavier, se contentait d'ailleurs plus souvent, de menacer que de punir. Aussi Roland profitait-il de l'absence de son père dans la journée, pour se livrer à maintes escapades, surtout pendant les vacances. Tante Marna oui se réjouissait de celles-ci à cause d'Anne-Marie et de Xavier, les appréhendait pour Roland, toujours, prêt à quitter la maison. Le jeune garçon grandissait maintenant, et, devenant audacieux, se hasardait à des parties de canots qui l'entraînaient parfois jusqu'au « Prêcheur », à la grande inquiétude de la pauvre tante, redoutant pour lui des accidents. Si du moins en reprenant ses études, l'enfant dédommageait ses parents. Mais non. Pour l'indiscipliné, les classes étaient la saison des tours à jouer aux professeurs, des niches à faire aux camarades. Les devoirs ne venaient qu'après, et si Roland n'était pas tout à fait le dernier de sa division, il le devait à sa vive intelligence, saisissant toujours au passage, quelques bribes des explications données par les Pères du Collège dont il suivait les cours. Cependant, depuis que Ginette était au Fort, une


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