Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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donner pour quelques jours. Elle avait besoin de ce changement. — Qui lui fera le plus grand bien, dit tante Marna. Je lui installerai son petit lit dans la chambre d'AnneMarie. — Ah ! merci tante, s'écria celle-ci enchantée de l'heureuse idée, Je retrouverai ainsi ma petite fille. — Aussi n'ai-je pas voulu te dérober ce plaisir, dit la bonne tante. Emmène-la donc se débarrasser de son chapeau. — Pauvre petite, murmura Monsieur Fougeras regardant s'éloigner l'enfant. Je crains bien que cet affreux événement n'ait une douloureuse influence sur toute sa vie. — Elle est si jeune, dit tante Marna, cela lui passera. — Oui. Mais ne penses-tu pas que ce malheur puisse l'avoir mûrie avant l'heure ? Il y a parfois dans son regard une profondeur d'expression étrange chez une enfant de son âge. Son front semble porter la consécration du malheur.

Depuis une quinzaine de jours, Ginette était au Fort. Ses joues avaient repris leurs couleurs, mais dans ses yeux se lisait encore cette indéfinissable tristesse qu'avait remarquée Monsieur Fougeras et, si parfois elle souriait des espiègleries de Roland, maître en malice, jamais son joli rire argentin ne se faisait entendre à ses amis. Cependant la fillette se plaisait en la société d'Anne" Marie, attentive et bonne pour elle comme une vraie petite maman. Tante Marna de son côté s'ingéniait aussi à la distraire. Xavier,doux et gentil, lui confiait ses rêves d'apostolat, l'invitant à lui servir d'acolyte quand il s'exerçait en jouant à célébrer les saints offices. La fil-


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