Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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pour se refermer aussitôt. Alors, le jeune médecin lui versa entre les dents quelques gouttes d'un puissant cordial. L'effet ne tarda pas à se produire. De nouveau les yeux s'ouvrirent et cette fois, la fillette reconnut les visages qui l'entouraient. C'est toi Da, fit-elle. Où sont Papa et Maman? Pourquoi tonton Rodolphe est-il là ? Puis soudain : — Ah! je me souviens !... le coup de vent, la maison de l'Anse est tombée !... Maman, Maman ! Où est Maman ? et de grands sanglots la secouèrent. — Ta maman va venir, ma chérie. Il lui fallait encore rester là-bas, et elle m'a prié de l'emporter pour te soigner, mais Bonne-Maman est là. — Rodolphe, apporte-la moi, dit Mme Daubray souffrant de ne pouvoir être, elle aussi, près de l'enfant. Le jeune homme enleva dans ses bras la fillette et la déposa sur les genoux de sa grand'mère. Le cœur encore gros, elle ne larda pas à s'endormir, son petit bras autour du cou de son aïeule qui, la mort dans l'âme, refoulait ses sanglots de peur de troubler le repos de l'enfant, pendant que Da Ti-Clé, stupéfaite, les contemplait douloureusement, de grosses larmes roulant sur ses vieilles joues ridées... Huit jours s'étaient écoulés depuis la date néfaste. Dans son cabinet de travail, tristement accoudé à son bureau, Rodolphe Daubray réfléchissait. Il repassait en son âme les heures de deuil et de larmes qu'il venait de traverser. D'abord les douloureuses formalités remplies le lendemain de la nuit sinistre, le transport des corps des chères victimes à la maison familiale, la navrante douleur de sa mère, le chagrin déchirant de Ginette à qui il avait fallu apprendre avec d'infinis ménagements l'affreuse réalité. Ensuite, les funérailles hâtives, éclai-


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