Coeurs martiniquais

Page 36

28

COEURS MARTINIQUAIS

au ciel notre père, mais ils t'ont laissé ta petite-fille. Et sa main caresse doucement la pauvre face qu'il couvre de pleurs et de baisers. Mais la malheureuse, insensible à ces consolations, n'a plus d'àme et de pensée que pour ceux qui s'en sont allés. Des mots sans suite s'échappent de ses lèvres, où reviennent mourir les noms chéris: — Mes enfants! mes pauvres enfants !... Paul... Lucy... Mon Dieu!... mon Dieu !... Rodolphe l'entoura de ses brasl. — Mère, leur petite Ginette est là, il faut penser à la soigner. Cet appel la fit tressaillir et dans un flot de larmes, elle s'écria : — Ah! me faut-il encore boire ce calice! Ma pauvre petite-fille, orpheline, blessée sans doute aussi gravement ?... Rodolphe ne me cache rien !... — Non mère, Ginette n'est qu'évanouie, mais j'ai dû l'abandonner à Chouloute, pour venir en appeler à ton courage, car il est prudent qu'à son réveil, l'enfant ne s'aperçoive de rien. — Oui, oui, je serai forte, balbulia-t-elle, à travers ses sanglots, mais dis-moi... dis-moi encore.qu'as-tu fait de ton frère... de mes enfants?... — Monsieur Fougeras est avec eux, répondit Rodolphe dévorant ses larmes. J'y retournerai dès que je ne serai plus utile ici. Et comme Da Ti-Clé, tremblante, arrivait au même instant, le jeune homme s'éclipsa pour annoncer à Chouloute qu'elle pouvait entrer maintenant. Sur le lit de sa grand' mère, la fillette fut déposée. Dans cette atmosphère plus chaude, une réaction se produisit ; un faible gémissement sortit des lèvres de l'enfant. Rodolphe, penché sur elle, lui faisait respirer des sels. Enfin elle s'agita; ses yeux s'ouvrirent mais


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.