Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

de chaises, Papa, Maman et tonton Rodolphe qui la regardaient tous trois en souriant. Quand vint l'heure de la distribution des prix, elle put enfin s'approcher d'eux, conduite par Mlle Magny qui faisait toujours cet honneur aux premières des divisions. Son petit cœur battait bien fort et ses yeux brillaient de plaisir quand elle déposa sur les genoux de l'oncle Rodolphe, ses cinq jolis livres noués d'une faveur rose, pour entourer de ses bras le cou de sa Maman qui l'embrassait tendrement, pendant que Papa, tout fier, attendait son tour ayant en main la couronne dorée dont il devait orner la jolie tête bouclée de sa fillette. Mais il fallait laisser libre le passage, et à regret l'enfant dut suivre Mlle Magny pour regagner sa place sur les gradins. L'évêque l'arrêta quelques secondes C'était Mgr Carménée dont le grand âge et la mine ascétique imposaient le respect à la population de Saint-Pierre. La fillette fléchit le genou devant lui, mais il la releva paternellement, en lui traçant sur le front le signe de la Croix : — Petit Chaperon Rouge, que les vrais loups s'écartent à jamais de ta route, dit-il en souriant, pendant que l'enfant s'éloignait après avoir baisé dévote ment son anneau. Là-haut, sur les gradins, elle chercha Anne-Marie, sa petite mère du pensionnat. Celle-ci était au piano où elle exécutait une sonate de Beethoven qui fut fort applaudie, Anne-Marie Fougeras venait d avoir ses seize ans et terminait, très jeune, ses études au grand regret de ses compagnes et de ses maîtresses qui ne la voyaient partir qu'avec peine. Son charmant caractère, en lui acquérant toutes les sympathies, l'avait désignée, la veille encore, comme rosière, au choix unanime du


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