Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

que chose que lui révélait la gravité émue de Roland et les battements précipités de son cœur, à elle, qu'elle s'efforçait en vain de retenir. Alors, des lèvres du jeune homme, ces mots s'échappèrent en tremblant : — Liliane, c'est Ginette qui m'envoie, voulez-vous être ma femme ?... Et quelques minutes après, sous les yeux émus de ses parents, Roland passait à son doigt virginal, l'anneau symbolique des fiançailles, et Liliane, regardant briller la pierre de feu, comprenait enfin pourquoi elle avait pu se croire oubliée la veille. Au Vieux-Logis, la vie était parfaitement organisée. Grands et petits, chacun y remplissait sa tâche, et dans cette belle et saine solitude, personne ne connaissait l'ennui. Les de Ligneul n'étaient pas riches, à peine aisés, car, à celte époque, le sucre étant fort mal coté, les vastes champs de cannes rapportaient à peine ce qu'on dépense pour les entretenir. Il fallait donc, comme on dit communément, savoir tenir la bordée, et dans cette nombreuse famille, exemple d'union et de concorde, tout le monde y mettait du sien, chacun se dépensant pour tous. Gaston, sous ses dehors légers, secondait très sérieusement son père dans les soins de l'exploitation, et Mme de Ligneul trouvait en ses filles des auxiliaires aimantes et dévouées. Soune, la vieille servante, formait avec Philo, la « lessivière », tout le personnel de la maison, auquel on pouvait ajouter Linga, le palefrenier, jeune Indien de dix-sept ans, dont les enfants appréciaient fort le talent de grimper aux cocotiers. Pendant que Liliane et Marie-Louise faisaient la classe aux plus petits, Mme de Ligneul se réservait le


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