Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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priait avec effroi autour des cierges, le volcan grondait dans le lointain, broyant des pierres dans son sein. Liliane n'oublierait jamais ces moments terribles. Les hautes herbes couvertes de cendre jusque dans celte partie du Lamentin, le crépitement sinistre des ponces tombant en grêlons sur le toit, tous les phénomènes enfin qui sonnèrent lugubrement au loin le glas de Saint-Pierre mourant. Puis les heures cruelles qui suivirent. La réalité impitoyable détruisant les dernières espérances ; le « câble » envoyé aux Vinac ; le retour du pauvre Roland. Ah ! comme elle se souvenait de la farouche douleur du jeune homme ! des accès de mutisme désespéré, qui avaient suivi sa visite à Saint Pierre !... Et voici que passait devant elle la vision du dernier Roland, du Roland arrivé avant hier, dont le visage portait encore le cachet des souffrances éprouvées, mais qui semblait avoir vaincu sa noire misanthropie pour ne plus s'occuper, désormais, qu'à répandre du bonheur autour de lui. Cependant, avait-il pensé à faire plaisir à Liliane ! Un léger soupir, provoqué par l'oubli trop apparent de la veille, vint soulever le cœur de la jeune fille et, plongée à nouveau dans ses réflexions, elle n'entendit pas venir Roland. La batiste rose de sa robe l'ayant dénoncée aux regards du jeune homme, celui-ci se dirigeait de son côté tout en ralentissant sa marche, hésitant sur les mots qu'il allait dire, tremblant de froisser le petit cœur à qui il n'avait à offrir, hélas ! que le reflet du premier amour. Mais sa main se posait enfin sur les branches flexibles du cachiman, et Liliane, en l'apercevant, avait l'intuition soudaine que quelque chose allait se passer, quel-


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