Coeurs martiniquais

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COEURS MARTINIQUAIS

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Et, profilant de la montée, pour reprendre la conversation : — Tu ne m'as pas demandé des nouvelles du pauvre Longelieu. As-tu seulement reçu ma lettre ? — Oui, oui, répondit Roland, revenant d'un rêve lointain. Elle m'a même un peu déridé. — Trop heureux alors, mon bon vieux, Mais, sais-tu qu'elle n'est pas très charitable, ta réflexion,et si Pierre l'entendait ? — Il te tirerait les oreilles, risposta simplement Roland, pendant qu'un fugitif sourire illuminait un instant son visage. Ils avaient dépassé ( la Dillon ", « Favorite », le « Morne Pavillon », et, main tenant, Beauregard » passait devant eux, avec Sa petite Vierge sur le chemin. Puis ce fut la descente rapide et l'entrée du bourg du Lamentin, dont les vieilles maisons s'etagent du Calebassier au plateau de l'Eglise. Le yacht, débarrassé de ses passagers, dormait sur les eaux boueuses du canal : — Il est arrivé avant nous, fit Gaston tout dépité. Et, prenant la voie de traverse qui s'ouvrant par derrière le bourg rejoint la roule coloniale, il caressa du fouet les chevaux : Allons, allons, mes petits amis, on attend Monsieur Roland à la maison. Le jeune homme sourit affectueusement, mais dans son Ame une tristesse avait passé : le souvenir de ceux qui jamais plus n'accueilleraient ici-bas sou arrivée. La longue file des champs de cannes se déroulait à présent monotone à l'œil du profane, mais combien intéressante à celui de l' « habitant ». Gaston faisait de temps en temps ses remarques que Roland écoutait complaisamment. Le soleil avait disparu depuis longtemps et la bruine


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