Coeurs martiniquais

Page 145

CŒURS MARTINIQUAIS

« « « o « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « «

137

Roland, que ma pensée aille vers vous ? Vous m'avez crue jadis insensible à votre malheur, comprendrezvous mieux aujourd'hui les sentiments d'une soeur qui, désolée de voir souffrir son frère, n'ose cependant le secourir de peur d'aviver ses douleurs ?.. Maintenant la mort semble vouloir nous menacer en voilant la clarté de notre ciel, et je ne voudrais pas m'en aller sans avoir achevé ma tâche. « Vous m'avez accusée, Roland, de vous abandonner seul à vous-même ; mais, quand vous n'aviez de pensées que pour Ginette, vous êtes-vous jamais demandé si l'aimable et rieuse enfant qui folatrait à ses côtés n'était pas capable autant, et peut-être mieux qu'elle, de devenir un jour votre compagne ? L'idée vous estelle jamais venue que ce bon petit cœur tout neuf pourrait bien s'être laissé prendre au sourire de son gai compagnon ? Non, n'est-ce pas ? et Liliane me pardonnera d'avoir divulgué son secret, car, à l'heure grave où je crois être, c'est un devoir que je remplis. « Si la pensée d'une douleur semblable à la vôtre est capable de mieux vous attendrir, apprenez donc, Roland, que ma petite amie vous a aimé, qu'elle vous aime encore, peut-être, sans se permettre d'y penser, car Liliane, sous ses dehors enjoués, cache une petite âme vaillante et fière, bien digne d'en former d'autres comme elle. Je n'ai deviné son secret que le jour où vous sachant refusé, elle plaidait ardemment votre cause en m'accusant d'insensibilité. « Pauvre chère petite Liliane ! Désirer le bonheur de l'aimé, fut-ce au prix de sa propre souffrance ! « Que ce désintéressement qui m'a touchée, ne vous laisse pas indifférent, Roland. Puissiez-vous en comprendre toute la grandeur et exaucer ma dernière prière, c'est celle d'une sœur qui vous chérit et désire votre vrai bonheur.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.