Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

Le front courbé dans la poussière, Roland s'était agenouillé. Il se releva bientôt, avide de porter plus loin ses pas, de chercher dans ce chaos, parmi ces ruines amoncelées, les traces de ses bien-aimés. Gaston le suivait de près, partageant sa violente émotion. Des débris de la cathédrale, ils gagnèrent l'ancienne rampe de l'évêché, aux trois quarts ensevelie sous la cendre, et parvinrent à la rue de la Madeleine, où ils reconnurent, non sans peine, l'emplacement de la maison Daubray. Des pans de mur, des pierres calcinées, émergeant d'un lit de sable et de graviers, subsistaient seuls de la chère demeure où s'abritaient, il n'y avait pas longtemps, l'amour d'Anne-Marie et de Rodolphe, la rayonnante beauté de Ginette. Roland affaissé sur ces débris eut une crise de désespoir et Gaston, les yeux baignés de larmes, s'agenouilla auprès de lui, négligeant de formuler d'inutiles consolations. Autour d'eux, au pied du morne, comme des colonnes funéraires, quelques arbres mutilés dressaient leurs troncs noircis... ... Mais il fallait continuer les rudes étapes du calvaire et ce fut bientôt le tour de la rue des BonsEnfants. Vainement Roland chercha les traces de la demeure de son père. L'éruption avait nivelé le Fort et le jeume homme frémit douloureusement à la pensée de la mort cruelle qui avait assailli ses parents. Ses yeux se dirigèrent vers le Collège, mais ses regards n'embrassèrent plus qu'une vaste plaine désolée. L'aride steppe s'étendait au nord jusqu'aux confins de l'horizon, et rejoignant les pentes du cratère, semblait se perdre à l'infini. Le cœur serré comme à l'étau, les jeunes gens revinrent aux ruines de la maison Daubray. Un mignon soulier d'enfant, à demi roussi, traînait par là. Roland


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