Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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tion violente l'étreignit quand il vit descendre le jeune homme, et sur sa poitrine, Roland versa les larmes qui soulagèrent son cœur meurtri. M. de Ligncul voulut l'emmener tout de suite au Vieux-Logis, mais il désirait se rendre, avant tout, à Saint-Pierre. Ce n'était pas chose facile alors. Des éruptions partielles semaient encore l'épouvante et, de plus, l'entrée des ruines était formellement interdite à tout autre qu'aux militaires chargés d'er, assurer la garde. Cependant, après maintes démarches, M. de Ligneul put obtenir un permis pour son jeune ami et, muni de cette autorisation, Roland se rendit à Saint-Pierre. Gaston, accouru aussi à sa rencontre, l'accompagna dans son pèlerinage. Partis dans un mauvais canot de louage, après une pénible traversée, les jeunes gens débarquèrent à Saint-Pierre. Etait-ce là, la cité chérie qui, quelques jours auparavant, s'étalait riante au soleil? Qu'étaient devenus ses enfants ? Ses fils au cœur généreux, ses filles à l'âme ardente et fière ? Répondez, répondez donc, ô monstre qui les avez fauchés ! Où sont les richesses amoncelées, les trésors accumulés, monuments, églises, chapelles, œuvres de patience et de labeur, d'ardente foi et de piété ? Où sont les grands navires, les blanches pirogues qui se balançaient dans la baie ? les vielles rues en amphithéâtre, l'antique fromager du morne Abel semant sur la ville son blond duvet ? Et les boulevards ? le Jardin des Plantes ? toute la banlieue fleurie, aux noms pittoresques et charmants: « Tricolore », " TroisPonts », « Trou-Vaillant », « Quartier-Monsieur ». « Pécoul », « Périnelle »? et le « Fonds-Coré » coquet, « Sainte-Philomène » aux verts tamariniers ?... Où sont ceux que nous avons aimés?...


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