Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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crainte, supportons courageusement les événements et Petit-Paul va très bien. Cependant, sur les instances de ton père, tonton Rodolphe parlait de nous faire partir. Mais Anne-Marie a protesté. Elle ne veut pas abandonner son mari et naturellement je reste avec eux. Tante Mama, de son côté, se déclare indispensable au Fort. Ne nous en veux pas, ma Lilianne. Je te promets quelques bons jours pour plus tard, quand, délivrés de toute inquiétude, nous pourrons causer sans soucis sous les ombrages du VieuxLogis. « Monsieur de Ligneul nous a raconté que tu avais voulu l'accompagner, et tout en regrettant cette occasion qui nous eut permis de t'embrasser, nous avons compris que ta maman se soit opposée à ton désir, c'était si naturel de sa part. a L'inquiétude a été générale après la catastrophe d'hier, et plusieurs familles, prises de panique, ont quitté précipitamment la ville. « La nuit n'a pas été plus calme. Le volcan bourdonnait sourdement, nous tenant éveillés depuis longtemps quand des cris d'alarme se firent entendre : La Roxelane déborde ! Sauvez vous !... » Cette nouvelle, assez vraisemblable, suscita un sauve-qui-peut général de la population des rues basses, et nousmêmes, nous tenions prêts à fuir, quand nous sûmes que c'était une fausse alerte. Cependant l'émigration s'accentue ce matin vers Fort-de-France. Le bateau, parti à six heures, pouvait à peine contenir les passagers. Malgré la tranquillité que plusieurs affectent, on sent flotter dans l'air une vague angoisse et même il arrive de penser qu'on peut mourir. D'anciens pêcheurs se surprennent à chercher le chemin des églises qui ne désemplissent guère, chacun tenant à se mettre en règle.


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