Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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seule occupait assez l'attention. Elle roulait une boue brûlante qu'on disait la lave du volcan, et l'usine Guérin à son embouchure, semblait devoir s'en inquiéter. La montagne était à découvert. Sur la place Berlin et le quai, on se réunissait pour contempler la magnifique colonne de fumée que le vent inclinait vers le nord. Elle s'échappait, en bouillonnant, du sein du cratère entr'ouvert, pour s'épanouir dans la nue, en gigantesque champignon. — Roland regrettera bien d'avoir manqué ce spectacle, disait Anne-Marie à Ginette. — Oui, ajoutait M. Fougeras, car c'est une occasion peut-être unique d'assister à une éruption. Rodolphe souriait de leur enthousiasme, pendant que Da Ti-Clé hochait la tête : tout cela n'allait pas trop à la vieille. On recevait, chaque matin, des nouvelles au VieuxLogis ; Ginette écrivait à Liliane, la tenant au courant des événements. Bien que les lettres de la jeune fille n'exagérassent en rien la situation, les de Ligneul ne cessaient de s'inquiéter. La réponse de Rodolphe ne les avait point arrêtés et Liliane, presque chaque jour, réitérait la pressante invitation. Le collège ayant licencié les élèves, Gaston était revenu au Vieux-Logis. Cette propriété, située entre Saint-Joseph et le Lamentin, formait ce qu'on appelle dans l'île, une «habitation ». Composée de plusieurs hectares de terre plantée en cannes à sucre, elle appartenait depuis longtemps aux de Ligneul qui l'avaient nommée le « VieuxLogis » à cause de sa maison fort ancienne, bâtie par les premiers colons. Large et carrée, celle-ci s'élevait, un peu au-dessus de hauteur d'homme, entre l'herbe verte d'une savane, que limitait une allée de rosiers, et un rustique pavé de pierres, le long duquel chantonnait


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