Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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enfants. L'air raréfié, manquait aux poumons. L'angoisse étreignait tous les cœurs. On se pressait autour de l'abbé Dulïau comme s'il détenait l'espérance. Quelques femmes se mirent à crier. L'une d'elles, se tordant les bras, demandait à se confesser, d'autres portaient au Curé des nouveaux-nés à baptiser. Le prêtre, de sa voix forte, domina soudain les lamentations : — Priez, mes enfants, s'écria-t-il. Groupez-vous , autour de l'autel ; de là vous viendra le salut. Anne-Marie et Ginette avaient commencé le chapelet. Tous se mirent à y répondre. L'abbé Duffau, passant son étole, administrait les sacrements. Il se multipliait, tout gris de cendre, du confessionnal aux fonts baptismaux. Tout d'un coup, les émanations sulfureuses augmentèrent d'intensité. L'air manqua pendant quelques minutes. La foule, croyant en trouver ailleurs, voulut se précipiter au dehors. Le Curé, de ses bras étendus, lui barra le passage à la porte : — C'est folie que de sortir. Vos enfants étoufferaient sous la cendre. On ne voit pas à dix pas. Restez ici, près du Bon Dieu qui vous pardonne et vous bénit. Alors du sein de cette foule, partirent de courtes et brûlantes invocations qui, comme des flèches acérées, devaient frapper le cœur de Dieu. Un petit garçon de huit ans s'écriait désespérément : — « Bonne Sainte-Vierge sauvez-nous, je vous donnerai mes dix-sept francs ». C'était, sans doute, toute sa fortune, et son sacrifice serait grand. Devant sa promesse naïve, personne ne songea à sourire. Tout était sacré à cette heure (1). Quelques minutes d'angoisse terrible, s'écoulèrent 1. Authentique. Toute cette scène de Sainte-Philomène et le récit de la panique à la Cathédrale qui suit sont absolument veridiques. Lauteur en a été l'un des témoins.


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