Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

bla que les entrailles du sol en frémissaient. Craintivement, elle se leva pour regagner la maison. Rodolphe cl Anne-Marie arrivaient déjà au-devant d'elle : — As-tu senti la terre trembler ? — Je le crois, répondit-elle, mais je n'en suis pas très sûre. Le bourdonnement surtout m'a effrayée. — Et à moi, cela rappelle que j'ai oublié de vous faire part du bruit qui circule à Saint-Pierre depuis hier, continua Rodolphe. Des touristes affirment avoir vu des fumerolles à la montagne, et quelques-uns prétendent même que la cendre serait tombée aux hauteurs de la Grande-Savane. — Seigneur! exclama Anne-Marie, le volcan s'est peut-être éveillé. — Et quand cela serait, il ne faudrait pas vous effrayer inutilement, répondit Rodolphe, Notre Pelée n'a jamais eu une bien terrible renommée. D'ailleurs, rien n'est moins sûr que cette histoire de fumerolles. Et en devisant, sans trop d'émoi, sur l'événement encore douteux, ils rentrèrent lentement à la maison. Le lendemain vers dix heures, des bruits de voix attirèrent Anne-Marie et Ginette sur le balcon. Un rassemblement s'était fait autour d'une marchande de légumes qui avait déposé son « tray » dans le chemin. La brave femme, tout en rattachant le madras qui assujettissait ses reins, parlait avec animation. Sa main désignait la montagne couverte d'un bonnet nuageux, puis faisait un geste circulaire autour des mornes environnants. Un des curieux, s'étant baissé, souleva avec précaution, du tray, d'énormes paquets de « macicis » que d'autres regardèrent attentivement en faisant des signes affirmatifs. Tout était événement dans le silencieux petit bourg. Anne-Marie et Giuette s'intéressaient à la scène sans


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