Coeurs martiniquais

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CŒURS MARTINIQUAIS

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se noya clans l'ombre... Alors Roland sentit son cœur s'arracher de sa poitrine et retiré dans sa cabine, effondré sur son étroite couchette, il sanglota éperdument. La vie devrait, semble-t-il, s'arrêter à ces heures pénihles et cependant elle continue, nous entraînant sans pitié dans son cours. Il y avait plus d'une quinzaine que Roland était parti. Monsieur Fougeras, tout attristé, avait repris la direction de ses affaires. Chaque matin le tramway le déposait près de la Bourse, non loin do son magasin. Le soir, après un peu de flâne, sous les flamboyants de la place, ou un léger bout de causette près de la fontaine Agnès, pendant lequel on discutait les prix du cours et du marché, il reprenait sa route vers le Fort, non sans avoir poussé jusqu'à la rue de la Madeleine, pour embrasser sa fille et caresser son petit Paul. L'enfant, depuis les fêtes de Pâques, souffrait d'une légère bronchite. Rodolphe le trouvant un peu pâli, décida de l'envoyer à la campagne et choisit pour cette villégiature « Sainte-Philomène », humble et charmante bourgade blottie au pied de la montagne, à peu de distance de Saint-Pierre, entre le « Fonds-Coré » et le « Prêcheur ». Il y fit arrêter, près de la plage, une maison assez confortable entourée d'un balcon très commode, qu'ombrageaient d'énormes tamariniers, Le 10 avril AnneMarie et Ginette y arrivèrent avec l'enfant. Da Ti-Clé et Chouloute les accompagnaient. La maison de la rue de la Madeleine ayant été fermée, Rodolphe prenait le repas du midi chez son beau-père et venait retrouver le soir sa famille. Dans le grand air vivifiant, Petit-Paul ne tarda pas à aller mieux. Une semaine s'était à peine écoulée qu'il pouvait courir sur la plage, suivi des regards de sa mère.


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