Les étapes de la Guadeloupe religieuse

Page 47

— 25 — exigence sanglante : le corps du jeune homme était tailladé ; on tuait sur sa tête un oiseau ; on broyait cet oiseau, on obtenait un bouillon que l'on pimentait, et qui servait aux purifications et au massage total. Le jeune homme mangeait enfin le cœur de l'oiseau, et, pour éviter les difformités corporelles, il restait étendu sur le dos jusqu'à sa guérison complète. La jeune fille pubère subissait le même sort.

□ Malgré une existence pauvre en bien-être, le Caraïbe vivait longtemps. Les saignées et les tatouages en étaient sans doute cause. Quand il tombait malade, ni ses enfants ni sa parenté ne le visitaient, par peur de contagion ou d'un passeport précipité pour l'au-delà. La femme seule soignait l'infortuné. La mort venue, on creusait une fosse, et, après avoir huilé et peint le cadavre, on le mettait dans la tombe, dans la pose d'un individu accroupi : ainsi avait-il été dans le sein de sa mère. Les pleureuses jetaient, à intervalles rythmés, la terre de l'ensevelissement, faisaient brûler, sur le trou, les objets familiers du défunt. Femmes et enfants se coupaient les cheveux, et commençaient le long jeûne de l'affliction. On tuait les esclaves de celui qui n'était plus. Il faut dire que l'esclave prévoyant avait soin de gagner du pied, avant la « fin finale » de son maître. A quelque temps de là, un anniversaire réunissait, auprès de la tombe, parents et amis. Chants et « ouicou » activaient la douleur. Après le trépas, disaient-ils, les trois âmes, que chaque homme portait, s'en allaient à leur sort. L'âme du cœur montait vers le ciel. L'âme du bras et l'âme de la tête devenaient esprits redoutables, gardant l'humeur guerrière de toujours ;


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.