Youma : roman martiniquais

Page 88

— 86 — mer ! On ne lui avait jamais permis de se coucher sur un simple matelas étendu à terre, comme une domestique ordinaire ! Et, en souvenir d'Aimée, elle n'avait pas été moins bien traitée dans la maison de Mme Desrivières et de son fils. Depuis la mort d'Aimée, M. Desrivières lui témoignait la bonté d'un père. Il avait eu en elle une telle confiance, qu'il ne s'écait même jamais aperçu des visites de Gabriel. Que penseraient-ils tous d'elle ? Envers qui avait-elle le plus de devoirs ? Envers ceux qu'elle connaissait depuis toujours, envers l'excellente femme qui l'avait élevée comme sa fille après lui avoir donné son nom sur les fonts baptismaux, ou bien envers Gabriel qu'elle ne connaissait que depuis une saison ?... Ah ! jamais, même pour lui, elle ne pourrait les trahir ! Le bon Dieu ne le lui pardonnerait pas ! Mais Gabriel ne savait pas tout cela ! S'il le savait il ne pourrait sûrement plus lui demander de s'enfuir avec lui. Et une fois encore le côté le plus violent de sa nature fut dompté. Elle s'affaissa en sanglotant à sa place accoutumée. Une cruelle souffrance la tourmentait toujours : mais ce soir-là elle se coucha bien résolue à retrouver Gabriel aussitôt que possible et lui dire non. Pourtant, son courage faiblit un peu le lendemain


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.