Youma : roman martiniquais

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— 76 — rigueur infusée par un apport constant de sang étranger nouveau, les femmes blanches des colonies s'adaptaient sans peine à cette vie de réclusion fraîche et élégante. Mais Youma appartenait à la race qui aime le soleil. Les privilèges même qu'on lui concédait, l'éducation qu'elle avait reçue en sa qualité de fille adoptive, avaient tendu plutôt à comprimer sa vie naturelle qu'à l'épanouir. A la campagne, elle avait trouvé plus d'occasion de plaisirs au grand air, elle s'était libérée de contraintes formalistes ; mais, même à la campagne, sa vie s'était trouvée limitée par son devoir de bonne, — enfermée en quelque sorte dans la petite sphère des exigences d'un enfant. Youma était trop jeune pour être une da. Pour la da il n'y avait pas de plaisirs. Une telle situation n'exigeait rien moins qu'un sacrifice de soi absolu, aussi n'en confiait-on en général la responsabilité qu'à des esclaves qui avaient été mères, qui avaient déjà accompli la destinée naturelle de la femme. Mais à peine Youma avait-elle cessé d'être une enfant, qu'elle se voyait de nouveau condamnée à agir, penser et parler comme un enfant, pour l'amour d'une fillette qui n'était pas à elle. Sa jeunesse magnifique protestait silencieusement contre cette contrainte perpétuelle. Malgré le sentiment de dignité personnelle que Mme Pey-


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