Youma : roman martiniquais

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— 70 — ligent. Pourtant il ferait un bien rude mari pour une fille élevée comme Youma. Sans doute, elle n'était qu'une esclave sans instruction, mais elle avait reçu une éducation domestique qui lui donnait une supériorité bien marquée sur les autres femmes de sa classe. Elle avait également des qualités morales infiniment plus raffinées que celles de Gabriel. Et puis, surtout, elle avait été la compagne d'enfance d'Aimée, et ensuite son amie plutôt que sa servante. Elle se ressentait encore beaucoup de l'influence d'Aimée, elle avait dans ses manières et sa pensée quelque chose des manières et de la pensée d'Aimée. Non. Mme Peyronnette ne voudrait jamais entendre parler de cette union : l'idée même la révolterait comme une brutalité. — Maître, je sais que Youma appartient à Mme Peyronnette, dit Gabriel en faisant tourner le bord de son chapeau bacouè encore plus vite. Mais je pensais que vous aimeriez faire quelque chose pour moi. Le planteur sourit à ces paroles. Il avait souvent exprimé à Gabriel le désir de le voir se marier, et avait même promis de lui faire un beau cadeau de noces dès qu'il aurait fixé son choix. Mais Gabriel ne paraissait nullement pressé de choisir. Puis, on apprit que, tandis qu'il demeurait indifférent aux filles d'Anse-Marine, il avait l'habitude de


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