Youma : roman martiniquais

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— 63 — discipline, ne s'adressait plus à elle en l'appelant ma fi — ma fille — mais : Manzelle Youma. Mais Youma était surtout sensible aux attentions de Gabriel. Gabriel semblait avoir pris un goût soudain pour elle. Il était l'homme le plus occupé de la propriété, pourtant il trouvait le temps de lui témoigner son amitié par de petites gentillesses et des marques de courtoisie dont on n'eût guère cru capable une aussi rude nature. Il inventait des prétextes pour la retrouver pendant le repas de midi, et aussi le soir, avant ou après sa tournée nocturne, pour s'assurer si toutes les règles de bon ordre et de propreté avaient été observées dans toutes les cases, — si les vêtements étaient lessivés et les ordures enlevées. Ses visites étaient forcément brèves ; elles étaient aussi étrangement silencieuses. Il parlait rarement, sauf lorsque on lui posait une question directe, ou lorsque Mayotte le taquinait et le forçait à la prendre sur ses genoux et à répondre à son babillage. Plus souvent il s'asseyait simplement sur la vérandah, près de la chaise à bascule de Youma et l'écoutait bavarder avec l'enfant, ou raconter des histoires. Il tournait rarement son visage vers elle, et paraissait attentif seulement à la vie bruyante des cases. Cependant à chacune de ses visites il apportait quelque petit présent pour l'enfant, sachant qu'elle le partagerait avec


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