Youma : roman martiniquais

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III

Le matin, Youma conduisait généralement Mayotte à la rivière. Elle l'y baignait dans une crique claire et peu profonde, dissimulée par des bambous, et peuplée d'innombrables et bizarres petits poissons. Parfois, vers le soir, une heure avant le coucher du soleil, elle la menait à la plage, goûter la brise de mer et admirer l'écume des brisants. Mais, durant les heures chaudes de la journée, l'enfant n'avait la permission de regarder le monde merveilleux de la plantation que des vérandahs entourant la maison. Et ces heures lui paraissaient longues. La moisson de la canne à sucre dans les champs voisins, au rythme du tambour, l'allée et venue des chariots qui grinçaient sous leur fardeau de tiges coupées, l'aiguisage des coutelas sur la meule, l'odeur sucrée du vésou, le grondement des machines, l'écume bruyante du petit ruisseau qui faisait tourner la roue du moulin, tous les aspects, toutes les odeurs et tous les bruits de la vie de la plantation lui


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