Youma : roman martiniquais

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une vraie joie que le spectacle des incidents ordinaires de cette vie coloniale et rustique, si pleine de bizarreries exotiques et d'inconsciente poésie. La routine de chaque jour commençait par une scène fort amusante : l'inspection matinale des pieds des enfants. Ceux-ci, jusqu'à l'âge de neuf ou dix ans, n'avaient guère d'autres occupations que jouer et manger. Ils étaient confiés à l'infirmière, Tanga, une vieille Africaine. Celle-ci, aidée de ses filles, préparait leur simple nourriture et les surveillait pendant que leurs mères étaient aux champs. Dès le lever du soleil, Tanga, accompagnée du surveillant, assemblait tous les enfants et les faisait asseoir en rang sur les longs bancs de bois disposés sous les tentes de l'infirmerie. Puis, au commandement de : « Levé Pièzaul 1» (I) ils levaient tous ensemble leurs petits pieds, et l'inspection commençait. Si l'oeil exercé de Tanga découvrait la petite enflure ronde qui trahit la présence d'une chique, l'enfant était envoyé à l'infirmerie pour y être soigné immédiatement, et le surveillant notait le nom de la mère afin de la gronder, car elle était tenue responsable de la chique qu'elle avait laissée subsister une nuit entière dans le pied de son enfant. Mais, pendant ces inspections, on se chatouillait, on riait et on (1) Lovez vos pied».


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