Youma : roman martiniquais

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— 20 — étaient longs et assez beaux. De plus elle était gracieuse et très grande. A quinze ans elle semblait tout à fait femme, à dix-huit ans elle avait la tête et les épaules de plus que sa jeune maîtresse : et lorsqu'elles sortaient ensemble, Mlle Aimée, qui était de taille moyenne, était obligée

de

lever les yeux pour regarder Youma. La jeune

bonne était universellement admirée ; c'était bien une de ces silhouettes que les Martiniquais montraient orgueilleusement aux étrangers, comme le type accompli de la beauté des races mêlées. Car même au temps de l'esclavage, le créole ne se refusait pas le plaisir d'admirer ces tons bronzés ou dorés de la peau humaine. Il avouait très franchement qu'il les trouvait exquis ; au point de vue esthétique le « préjugé de la couleur » n'existait pas. Pourtant aucun des jeunes gens de la race blanche n'eût osé dire à Youma son admiration. Quelque chose dans le regard et les manières sérieuses de la jeune esclave la protégeait tout autant que le prestige de la famille qui l'avait élevée. Mme Peyronnette était frère de sa domestique ; elle prenait plaisir à la voir vêtue, avec toute l'élégance possible, du costume brillant et gracieux que portaient alors les femmes de couleur. En fait de toilettes, Youma n'avait à envier aucune femme de la

classe


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