Youma : roman martiniquais

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— 16 — vous vous attardiez assez longtemps, vous remarqueriez que tous les visiteurs la saluent avec un sourire, et lui demandent amicalement : — Coument ou yé, Da Siyolle ? (I) Malheur à l'étranger qui, se figurant qu'elle n'est qu'une domestique, lui parlerait grossièrement. — Si elle n'est qu'une domestique, répliqua un jour le maître de la maison à quelqu'un qui avait commis cette erreur, alors vous n'êtes qu'un valet 1 Insulter la da, c'était insulter toute la famille. Quand da Siyotte mourra, on lui fera de ces obsèques qui ne s'achètent pas au prix d'argent ; elle aura un enterrement de première classe, auquel assisteront tous les habitants les plus riches et les plus orgueilleux de la ville. Ce jour-là, certains planteurs feront vingt milles à cheval, par-dessus les mornes, pour venir tenir les cordons du poêle. Et certaines femmes qui foulent rarement le pavé des rues, et qui sortent presque toujours en voiture, suivront à pied, sous le soleil brûlant, le cercueil de la vieille négresse jusqu'au Cimetière du Mouillage. Et ils enterreront la da dans le caveau de famille, tandis que les cimes des grands palmiers frissonneront à la voix du bourdon. (1) Comment allez-vous. Da Siyolte ?


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