Youma : roman martiniquais

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— 154 — la figure vers le beau visage sombre penché vers elle, et elle joignit ses petites mains ensemble comme pour prier. Mais elle poussa aussitôt un cri lamentable, et s'accrocha à Youma. Les murs épais vibrèrent tout à coup comme vibrent les murs lorsque souffle un ouragan. Des cris frénétiques et déchirants partirent de l'arrière de la maison — et un bruit retentit, le bruit d'un sourd tonnerre. Youma enleva son foulard de soie jaune et en enveloppa la tête de l'enfant. Elle la caressa avec une tendresse calme, la berçant doucement dans ses bras, — placidement, comme si elle l'endormait d'une complainte... Jamais Youma n'avait paru aussi belle au regard de Gabriel. L'instant d'après il ne la vit plus. La silhouette de la jeune fille et la clarté disparurent en même temps, au moment où le toit et les poutres s'effondrèrent ensemble dans l'obscurité. Un silence suivit, un silence brisé seulement par les sifflements et les crépitements du feu étouffé par le tintement du tocsin et par l'appel des grandes conques. Les victimes ne criaient plus et les bourreaux étaient épouvantés par l'horreur de leur crime consommé. Puis, d'en bas, les flammes luttèrent et s'élevèrent de nouveau, et colorèrent de cramoisi les tourbillons de


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