Youma : roman martiniquais

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une moquerie sauvage, et une négresse cria d'une voix rauque : — Ba moin li ! moin se ulopé enlai, y conm chatrou ! (1) et elle imitait la seiche qui dévore sa proie. Un éclat de rire obscène souligna cette plaisanterie infâme. La chaleur et la fumée devenaient insupportables. Les incendiaires se retirèrent dans la rue, et quelques-uns gagnèrent les champs de canne à sucre à l'arrière de la maison pour prévenir toute tentative d'évasion. Ils ne jetaient plus de pierres, ils étaient las, mais contents de contempler le progrès de leur vengeance. Les cris retentissaient toujours à l'étage supérieur : ils y répondaient par des jurons et des railleries I La voûte rougit, s'illumina et se mit à rayonner comme une fournaise : et la chaleur qui s'en dégageait força les nègres à se retirer encore davantage. Bientôt à l'intérieur le pétillement devint un sourd rugissement pareil au bruit d'un torrent. Les flammes s'emparèrent de tout le rez-de-chaussée. Elles passaient de longues langues jaunes par les fenêtres ; elles s'enroulaient autour de la maçonnerie ; elles léchaient les clefs de voûte et les murs, elles s'efforçaient de grimper et se mirent à dévorer la charpente des volets... Et de temps à (1) Donnez-le moi ! Je l'enserrerai comme une pieuve.


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