Youma : roman martiniquais

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— 141 — rivières tomba. Il expira presque aussitôt, avant que ses amis aient pu l'emporter dans une chambre voisine dont les portes furent immédiatement barricadées avec tous les meubles les plus lourds de la pièce : la charge entière lui était entrée dans le dos, lui brisant l'épine dorsale. ... Puis la panique momentanée des nègres fut suivie d'une réaction de la haine, d'une soif de vengeance. La haine traditionnelle du blanc rendue plus forte encore par les passions du moment ; la soif de se venger de la mort de leurs chefs d'autrefois et de tous les griefs imaginés ou vrais qu'ils avaient contre les blancs. Mais les appartements du rez-de-chaussée étaient vides ; les békés s'étaient retirés dans les pièces du haut. Ils y avaient peut-être des armes dont ils se serviraient dans la dernière extrémité. Il serait peut-être imprudent de les y poursuivre. Et pourtant ils n'échapperaient pas. Les fenêtres de derrière étaient élevées et donnaient sur une route de plantation qui longeait des champs de cannes à sucre où des nègres armés faisaient le guet. Les murs latéraux étaient en maçonnerie solide sans aucune ouverture. Impossible de s'échapper par le toit, qui s'élevait bien à vingt pieds au-dessus des toits de chaumières voisines. Les békés étaient sans défense !... Pourtant, personne ne s'offrit à mener l'assaut. Il n'y eut


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