Youma : roman martiniquais

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— 124 — même dans leur voisinage immédiat. Des choses qui pendant près de deux siècles avaient eu lieu en secret, dans l'obscurité, se faisaient maintenant ouvertement. Une puissance jusque-là occulte avait pris tout à coup un empire absolu. C'était le Sorcier africain. Sous les Tamaris de la place du Fort, un de ces quimboiseurs exerçait sa profession sinistre. Il vendait des amulettes, des fétiches, des onguents magiques faits de graisses de serpents. Devant lui, il y avait un tonneau ouvert, rempli de tafia mêlé de poudre à fusil et de guêpes écrasées. Il était entouré d'une foule de nègres du Port, de gabarriers à demi nus, qui maniaient des rames de vingt-cinq pieds de long ; de nèguegouôs-bois herculéens, abrutis à force d'avoir godillé leur embarcation massive et lourde ; de rudes canotiers dont les peaux bronzées transpirent rarement, même sous le plus chaud soleil d'été ; des équipages des yôles, des sabas et des gommiers ; des tonneliers et des arrimeurs ; et il y avait aussi les pêcheurs de tonne, et les pêcheurs de requins. — Ça qui lé ? criait le quimboiseur en versant le venin dans des gobelets d'étain. Ça qui li vini boué li ? (i) Qui veut en boire de l'Ame de l'Homme ? De l'Esprit de Combat ? De (1) Qui veut venir on boire ?


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