Youma : roman martiniquais

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et en criant : « Vive Papa » I Les enfants nègres agitaient les petits drapeaux et criaient « Vive la République », certains même étaient si petits, qu'ils pouvaient à peine articuler « Vive la Ipipi !» Et la victoire complète des hommes de couleur ne fit qu'accroître cette exaltation. Mais, après l'affaire de la prison, les enfants ne se promenèrent plus dans les rues avec leurs petits drapeaux. On ne distribua plus de cocardes ; elles furent remplacées par des coutelas, — des coutelas tout neufs, car il fallut les aiguiser... Et toutes les meules furent réquisitionnées pour cela ! Les blancs couraient les plus grands dangers à se montrer dans les rues. Ils guettaient l'occasion de gagner les navires, sous la protection de leurs propres esclaves, ou de loyaux affranchis qui exerçaient une certaine influence sur la foule dont ils connaissaient tous les sombres visages. Mais dans l'après-midi ces fidèles domestiques comprirent l'inutilité de leur dévouement. Des nègres inconnus, des étrangers, se mêlaient aux émeutiers ; c'étaient des hommes aux regards farouches, que ne connaissaient point les domestiques de la ville, et qui, lorsque ceux-ci affirmaient en désignant leur maître : « C'est y on bon béké », (C'est un bon blanc) répondaient par des

insultes ou par des grossièretés. Des bandes d'hommes


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