Youma : roman martiniquais

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— 108 — heures du matin que commença pour elle cette obscurité douce et muette qu'est le répit de toute pensée. Mais, bientôt, son esprit s'éveilla. Elle s'imagina qu'une voix l'appelait, faiblement, comme de très loin, une voix qu'elle reconnaissait comme on reconnaît, dans un rêve, d'autres rêves déjà disparus. Puis, elle eut conscience d'un visage, le visage d'une très belle femme, d'une négresse, qui la regardait avec des yeux grands et doux, qui lui souriait sous les plis d'un turban madras jaune. Et elle était éclairée par une lumière qui ne venait de nulle part ; qui n'était plus que le souvenir de quelque matinée morte depuis longtemps. Et, à travers cette clarté indistincte, grandit un doux rayonnement bleu, — le fantôme d'un jour. Et elle reconnut ce visage, et murmura tout bas « Doudoux maman »... ... Elles se promenaient toutes les deux où elle s'était promenée autrefois, parmi les mornes. Elle sentait la main de sa mère qui la guidait comme lorsqu'elle était une petite fille. Et devant elles, tandis qu'elles marchaient,quelque chose de pourpre, de vague et d'immense se leva et s'étendit, le spectre énorme de la mer qui s'arrondissait jusqu'au ciel. Et, dans la blancheur perlée, par-dessus l'horizon confus, jaillit de nouveau la vision de l'île anglaise, dont les cimes violettes étaient barrées


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