Youma : roman martiniquais

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— 99 — moitié de votre vie, et toute votre jeunesse pour élever les enfants des békés... Non, Youma ! Vous n'avez point été élevée comme la fille de votre maîtresse. Pourquoi ne vous a-t-on jamais appris ce qu'on apprend aux jeunes filles blanches ? Pourquoi ne vous a-t-on pas enseigné à lire et à écrire ? Pourquoi vous garde-t-on esclave ? Bons pour vous ? Mais c'était leur intérêt, ma fille, — vous les repayez aujourd'hui, puisque vous demeurez auprès d'eux, lorsque vous pourriez devenir libre avec moi ! — Non ! non ! doudoux, protesta la jeune fille, vous êtes injuste, vous ne connaissez pas ma marraine, vous ne savez pas tout ce qu'elle a été pour moi. Jamais vous ne réussirez à me faire croire qu'elle n'a pas été bonne et généreuse envers moi !... Croyez-vous, Gabriel, que les gens ne sont bons que par raison ? M. Desrivières ne vous a-t-il pas bien traité ? — Il y a de bons békés, Youma. Il y a certains maîtres qui sont moins mauvais que d'autres. Mais il n'y a pas de bon maître. — Oh ! Gabriel ! Et M. Desrivières ? — Croyez-vous, Youma, que l'esclavage soit une chose équitable et juste ? Elle ne lui répondit pas immédiatement. Son attention avait été attirée vaguement, pour la première fois, sur la


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