Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME MONARCHIQUE A LA MARTINIQUE

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n'avoir d'autres attributions que de surveiller et d'empêcher dans l'île l'introduction du commerce étranger (7). Il avait le droit de faire saisir tous les navires soupçonnés dans les ports français de faire du trafic interlope, puis de traduire en justice leurs capitaines. Il recueillait, pour les condamnations à prononcer, l'avis de l'intendant, et en cas de désaccord le sien prévalait. Il avait le dixième des prises et confiscations qui étaient faites par mer, partageait avec le gouverneur particulier le tiers de celles faites sur terre. Il s'entendait avec l'intendant pour les concessions de terres à accorder aux particuliers (8). On voit que l'intendant et le gouverneur général étaient égaux et que les attributions de l'un étaient aussi étendues que celles de l'autre. Le pouvoir, bien que partagé entre eux, ne cessait d'être sous leur autorité commune. Ils devaient donc avoir des rapports très étroits et amicaux pour bien administrer les colonies. Dès lors, il était à craindre que le gouverneur général ne vît dans cette réforme une restriction des pouvoirs illimités qu'il avait exercés jusqu'ici. L'intendant allait lui paraître un aide gênant dont il aimerait mieux se débarrasser. La mésentente se glissa facilement entre ces administrateurs. Par une lettre du 26 juillet 1681, le roi dut intervenir énergiquement pour rappeler à Blénac les bornes de ses nouvelles fonctions. Il lui fut écrit : « ... Je vous dirai que bien qu'il ne se soit pas plaint de vous dans les lettres qu'il a escrites, Sa Majesté a veu clairement que vous n'avez pas satisfait en cela à ce qui vous a esté expliqué de ses intentions, et qu'une défiance que je vous puis asseurer estre mal fondée empesche entre vous la correspondance si nécessaire et sans laquelle il est impossible que Sa Majesté soit servie... Je ne puis m'empêcher de vous dire qu'il vous est de la dernière importance de faire cesser les sujets de plainte que vous donnez à cet égard, et de correspondre avec amitié aux advances que le dit sieur Patoulet vous a faites et à la déférence qu'il aura toujours pour vous (9). » D'autre part, Patoulet avait reçu une copie de cette lettre avec défense de la porter à la connaissance du comte de Blénac, en même temps que de nouvelles instructions, par exemple pour empêcher que le gouverneur général ne fît emprisonner des habitants, sous le prétexte que ceux-ci, comme miliciens, relevaient de la justice militaire. C'était pour mettre fin à ces abus toujours regrettables que le monarque écrivit la lettre précitée (10). (7) Doc. pub. par GUYOT : Répertoire de jurisprudence, t. 12, p. 150. (8) DANEY-SIDNEY : Histoire de la Martinique, t. 2, pp. 235 et suiv. (9) Doc. pub. par G. SAINT-YVES : Journal de la Société des Américanistes de Paris, pp. 8-10. (10) Ces défenses furent renouvelées plusieurs fois, quand enfin l'arrêt du Conseil d'Etat du 21 mai 1762 et l'ordonnance du 1er février 1766 prescri-


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