Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

le sieur Gémosat, près du lieutenant-général pour lui porter la nouvelle. Baas, qui venait à son secours avec un renfort, à la vue du drapeau ennemi, avait rebroussé chemin précipitamment pour organiser la défense. La flotte hollandaise passa au large de Saint-Pierre, fit voile vers la Dominique où elle enterra quelques morts. Elle venait de perdre près de douze cents hommes tués ou blessés ; parmi les premiers, on comptait le comte Stirum, désigné comme gouverneur de la Martinique en cas de conquête. Durant le séjour à la Dominique de la flotte hollandaise, les vaisseaux français : le Galan, VEmérillon, le Serpent, la Bergère, arrivèrent à Saint-Pierre. La Martinique fut dès lors mieux en état de résister à Ruyter, si jamais il avait eu « envie de la revoir » (59). Au reçu des rapports de Baas et Sainte-Marthe, Colbert connaissait déjà la défaite des Hollandais, dont le récit du combat livré à la Martinique avait été fait par le capitaine d'un vaisseau hollandais capturé dans la Manche. La nouvelle eut un grand retentissement en Europe et un haut personnage plaisantera Ruyter « sur la timidité qui lui vient avec l'âge » (60). Le 21 mai 1675, Colbert écrivit, au gouverneur particulier de la Martinique, cette lettre : « Monsieur de Sainte-Marthe, je fais seulement ce mot de responce à la lettre que vous m'avez escrite après la descente des Hollandais dans l'isle de la Martinique, à laquelle estait jointe une relation de tout ce qui s'était passé dans cette action. Je dois vous dire que le roy a esté très satisfait d'apprendre ce que vous y avez fait pendant le jour. Mais en mesme temps je ne puis vous celer que l'abandonnement que vous fistes de ce fort pendant la nuit a dépleu à Sa Majesté et a mis les isles dans un risque manifeste d'estre perdues si Dieu, qui assiste toujours la justice des armes de Sa Majesté, ne les avait défendues en aveuglant ses ennemis. Vous deviez plustost prendre la résolution de périr dans le poste que vous aviez si bien défendu. Mais Sa Majesté, dans sa bonté, a bien voulu considérer plustost le succez de la première que la seconde action. C'est à vous de prendre garde une autre fois, en cas que vous trouvassiez d'autres occasions de pareille nature, d'avoir la fermeté et la constance nécessaires pour soutenir une action jusqu'au bout, et faire en sorte que le roy demeure plus satisfait de vostre fermeté, ainsi qu'il a esté de vostre courage dans la première (61). » (59) Arch. Nat. Col. C8B-1. Lettre de Baas (28 août 1674). Affaire Ruyter au Fort-Royal (1674). Corresp. générale, 1674. (60) CHARLES DE LA RONCIÈRE : L'attaque du Fort-Royal de la Martinique par Ruyter (167b), pp. 15-16. (61) Arch. Nat. Col. F3-26, f° 116.


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